Retour sur une manifestation

22 janvier 2013 | Actualité, Réflexions

Retour sur une manifestation

Je reviens sur l’imposante manifestation du 13 janvier à Paris contre le « mariage » des homosexuels, sans homophobie (1). Un succès ! Une énorme foule française « de souche » avec ses enfants. Une foule comme l’occasion n’est plus donnée d’en voir.

Toutes les informations disponibles nous ont appris que l’épiscopat français avait été en partie à l’origine de ce mouvement de protestation. Depuis longtemps, pour reprendre pied dans une société qui lui devenait toujours plus indifférente, l’Église a fait de la famille et du mariage le thème majeur de ses efforts. Elle est ainsi en accord avec sa constante morale individuelle. Faisant du mariage un sacrement, elle a toujours condamné le divorce, même quand celui-ci est préférable à l’enfer des haines au sein des couples désunis, dont les enfants sont les premières victimes.

De cette opposition au divorce elle a même fait jadis un instrument politique pour affirmer son pouvoir sur les empereurs, rois et princes du temps passé, mariés le plus souvent pour des raisons sans rapport avec l’amour mutuel. Il lui est d’ailleurs arrivé de payer le prix de cette politique. On songe bien entendu au schisme anglican provoqué en 1533 par la condamnation du divorce du roi d’Angleterre Henri VIII (2).

Plus que la lignée qui a toujours suscité sa méfiance dans la mesure où la chaine des générations échappe à son intervention, le mariage et, par amplification, la famille « nucléaire » (le couple et ses enfants) ont toujours fait l’objet de l’attention de l’Église. C’est en effet dans le mariage (et uniquement dans celui-ci) qu’elle tolère l’amour sensuel entre un homme et une femme, sinon condamné. Religion de l’individu et non de la communauté, le christianisme était dans sa logique en se focalisant sur le mariage.

Le projet de « mariage pour tous » a permis à l’Église de reprendre pied dans le débat public alors qu’un certain nombre d’affaires d’homosexualité et de pédophilie avaient éclaboussé une institution imposant le célibat des prêtres et des religieux.

Sur cette opposition du « mariage pour tous », l’Église s’est trouvée en accord avec les deux autres grandes religions monothéistes issues de la tradition biblique, le judaïsme et l’islam (lequel favorise la polygamie). On a donc vu les représentants de ces trois religions exprimer ensemble au président Hollande leur opposition commune au projet de loi socialiste. Et lors de la manifestation du 13 janvier, quelques banderoles en langue arabe rappelaient l’opposition des « musulmans de France » au mariage homosexuel.

Tout cela est fort bien, mais on se demande pourquoi l’Église n’a jamais engagé son influence toujours grande dans le rejet de l’immigration de peuplement extra-européenne, enjeu pour l’avenir autrement plus grave et lourd de conséquences que les lubies et revendications de la petite minorité homosexuelle ?

On connaît la réponse. Sur la question de l’immigration, contrairement à celle du mariage, l’Église n’a rien à objecter. Bien au contraire, elle prêche le devoir d’accueil de l’Autre. Un « Autre », fut-il musulman, qui présente l’avantage de se référer à l’interprétation biblique de la transcendance (l’au-delà) face à l’immanence implicite d’une société européenne largement déchristianisée. Ce que soulignait encore récemment l’estimable pape Benoît XVI dans sa célébration du cinquantième anniversaire du concile Vatican II : « Nous apparaissons fatigués, faibles dans notre conviction de la Vérité qui sauve… (3) »

Je suppose que pour Marine Le Pen, qui a fait du refus de l’immigration une priorité, cette réalité a pesé dans sa décision de s’abstenir de participer personnellement à la manifestions du 13 janvier. On ne peut oublier que la présidente du FN a choisi de s’adresser à tous les Français « de souche », quelles que soient leurs convictions religieuses. Sa décision lui évitait de se prêter à une opération médiatique qui pouvait l’éloigner de son électorat laïque.

 Dominique Venner

 Notes

  1. Sur ce site, le 6 novembre 2012, sous le titre « Le mariage et les enfants, des biens de consommation ? » j’ai exprimé mes raisons de m’opposer au « mariage pour tous ».
  2. Sur l’origine et les conséquences du schisme anglican, La Nouvelle Revue d’Histoire vient de publier un article d’Emma Demeester dans son n° 64 (janvier-février 2013), page 17.
  3. Le Monde, 13 octobre 2012, p. 4.