Le Pen, un destin français

27 novembre 2012 | Actualité, Réflexions

Le Pen, un destin français

Un nouveau livre sur Jean-Marie Le Pen. Pourquoi en parler ? Les deux auteurs sont bien connus. Ils ont travaillé sérieusement, rencontré beaucoup de monde (références à l’appui), à commencer par le principal intéressé. Au résultat, une enquête riche, trop peut être. On se perd parfois dans des détails superflus. Tout est dit du parcours stupéfiant d’un personnage qui a marqué la politique française et européenne plus qu’aucun autre depuis quarante ans. Un animal politique comme on en n’en verra plus, taillé pour la bagarre, ayant des idées sur tout, tribun populaire cultivé, maniant avec jubilation l’imparfait du subjonctif et les citations latines.

Je ne vais pas revenir sur le parcours connu de ce fils de marin breton, élève des Jésuites, bambocheur et charmeur, président (déjà) de la Corpo de droit, volontaire pour les derniers combats d’Indochine, député poujadiste de Paris en 1956, rengagé pour l’Algérie (les auteurs le lavent de toute accusation de « tortures »), organisateur de la campagne Tixier-Vignancour contre de Gaulle en 1965… Commence alors une longue traversée du désert avant la captation d’un groupuscule droitiste nommé Front national.

L’héritage Lambert met notre homme à l’abri du besoin. Il peut désormais déployer ses talents. Ceux-ci explosent (avec l’appui de Mitterrand) lors de la fameuse « Heure de vérité » de 1984 qui fait découvrir sa parole insolente et libre à la France entière. Après une succession d’élections, viendra l’épisode tragique (bien traité dans le livre) de la scission de 1998, l’éviction de Bruno Mégret et de son équipe de brillants sujets issus des grandes écoles et de la Nouvelle Droite. Jean-Marie Le Pen était une star qui avait besoin d’une cour, mais ne voulait certainement pas des contraintes d’un parti structuré en vue du pouvoir. Très moderne à bien des égards, il aurait eu toute sa place sous la IIIe République, quand l’éloquence parlementaire se mariait volontiers avec l’activisme des ligues et les bagarres de rues. Tout cela sur un fond tricolore d’autrefois, associant Jeanne d’Arc et les soldats de l’An II.

On le sait, l’animal n’a jamais été un dégonflé. C’est sa vertu majeure. Il aime séduire autant que choquer, ne pouvant résister à la joie de calembours qui ont installé sa réputation de grand insoumis. Si quelqu’un n’a pas peur des mots qui tuent, c’est lui. En quoi, à sa façon, il restera un modèle.

 Dominique Venner

 Notes

Le Pen, une histoire française
Par Philippe Cohen et Pierre Péan
Robert Laffont, 550 p., 23 €