Il y a 50 ans : la fin de l’Algérie des Français

12 juin 2012 | Édito, Hors-Série, NRH

Il y a 50 ans : la fin de l’Algérie des Français

Edito du Hors-Série n° 4, Printemps-été 2012 – « L’Algérie, histoire d’une terre tragique »

L’Algérie fut une invention française. Elle doit sa relative unité à ses conquérants. Les Romains lui accordèrent l’appellation géographique de Numidie qui s’étendait à tout le Maghreb. À la suite des Romains et des Byzantins, les conquérants successifs donnèrent à diverses fractions de territoires plusieurs noms. Sous Louis XIV, pour la région d’Alger, on parlait d’un repaire de Barbaresques, et à la veille de la conquête française, le terme de Régence turque s’était imposé. Il fallut attendre une première instruction du ministère français de la Guerre, le 14 octobre 1838, huit ans après la prise d’Alger en 1830, pour suggérer l’emploi du mot « Algérie » en remplacement de toutes les dénominations antérieures. Une nouvelle instruction du 14 octobre 1839 officialisa définitivement la nouvelle appellation pour désigner les territoires soumis à la France.

Longtemps, la République française refusa la qualification de « guerre » aux violences qui ont déchiré l’Algérie de 1954 à 1962. On parlait alors des « événements », de la « rébellion » ou des « opérations de maintien de l’ordre ». Par son vote du 10 juin 1999, l’Assemblée nationale a cependant officialisé l’expression « guerre d’Algérie ».

Ce que fut cette guerre, ses causes les plus lointaines et ses conséquences, le nouveau dossier Hors Série (n° 4) de La Nouvelle Revue d’Histoire (L’Algérie, histoire d’une terre tragique) le dit avec une liberté qui se fait rare. Ce fut une petite guerre cruelle, sans aucune comparaison avec les batailles géantes des deux grandes guerres mondiales. Pourtant, cruelle, elle le fut dès l’origine, par intention délibérée de ceux qui voulaient chasser les Français et supprimer les nombreux indigènes francisés. Ceux que l’on appela les « rebelles », puis les « nationalistes » avaient été marqués par une double influence, celle d’un islam combattant qui a toujours privilégié la violence,  et celle du léninisme qui avait théorisé l’usage de la terreur comme méthode pour s’emparer des masses. En l’occurrence, il s’agissait des masses musulmanes. Le but était de les arracher à l’influence française et de susciter un climat de haine « raciale » à l’encontre des Européens et des assimilés. Tout fut bon, l’égorgement collectif, la castration, l’éviscération, la section des mains, du nez, des oreilles, le massacre des femmes et des nouveaux-nés. Le pays fut ainsi plongé dans un délire de sauvagerie, avec la bénédiction des divers clergés laïcs et religieux d’une France devenue malade du péché d’exister.

Cette guerre, la France et les Français ne l’avaient pas voulue. Elle leur fut imposée par ceux qui la désignèrent comme ennemie. Elle leur fut imposée aussi par l’évolution générale du monde à la suite du siècle de 1914 et des deux guerres mondiales qui avaient entrainé un vertigineux recul historique de l’Europe. Après coup, pour nous qui connaissons la fin d’une histoire que les acteurs ne connaissaient pas, il est assez facile de pointer les erreurs multiples commises au fil du temps par la France et ses représentants. Dans ce procès, on omet cependant deux réalités pesantes. On oublie tout d’abord la présence ancienne d’une communauté française ou européenne d’un million de personnes de tous âges et de conditions souvent très modestes que l’on ne pouvait supprimer que par indifférence cynique ou cruauté délibérées.

On oublie ensuite que cette malheureuse France et ces malheureux Français, dont il est convenable de dire tant de mal concernant l’Algérie, ont résisté plus qu’aucun ancien colonisateur européen à leur abaissement historique. Selon le point de vue adopté, on peut voir dans cette résistance un aveuglement coupable et dérisoire ou la manifestation d’un refus exemplaire d’abdiquer. Entre 1960 et 1962, la révolte à grands risques de tant de généraux et d’officiers contre l’État qu’ils avaient appris à servir sans discussion, fut d’une ampleur sans équivalent dans nos annales. Il faut s’en souvenir, tant le fait est exceptionnel. Et peu importe que cette révolte ait été mal pensée ou mal conduite. Je crois pour ma part que, dans une époque de déclin, cette révolte fut une manifestation de santé dont un pays peu tirer de la fierté et des raisons d’espérer.

 

Dominique Venner